cent aphorismes sur l’image

L’incantation silencieuse de l’image provient de sa fonction magique.

A travers les images les plus ordinaires, chacun est poète.

L’image fait du bruit.

Pour l’image, la vue c’est comme la voix dans le texte.

L’image est romanesque.

En regardant l’image on se dit souvent que c’était mieux avant.

En donnant une vue à la pensée, l’image fait venir les idées.

L’image est le résultat conscient de l’espace modifié.

Le réel se lisse par l’abondance des images.

L’exception se cache toujours dans l’image la plus ordinaire.

Les images peuvent voir plus de choses, plus loin.

Parce que l’image nous le dit bien, nous le voyons aisément.

Bien que l’image nous l’ait déjà dit, nous ne l’avons pas vu.

L’image c’est ce qu’elle fait de nous.

La programmation et les statistiques robotisent les images, donc le regard.

Les images archivent le passé, surveillent le présent et prévoient l’avenir.

La quantité industrielle d’images exprime la même recherche d’une image perdue.

On fait des images pour être aimé.

Les images nous charment de voir.

L’image constitue l’hypothèse d’un point de rencontre de tous les signes possibles.

Toute image est un trou, fait son trou et passe par un autre trou.

L’image est ce miracle, par lequel un corps peut se tenir en deux lieux en même temps.

Il n’y a pas toujours eu quelque chose dans l’image, alors qu’il y reste toujours quelque chose.

Les idées fixes forment des images floues.

L’image est une hallucination collective.

L’image est soumise à l’industrie culturelle du divertissement.

L’image est purement imaginaire.

Chaque image d’image est une nouvelle image.

L’image acte un désir de dépassement de nos peurs.

En ordonnant l’espace, les images prescrivent le monde.

Les algorithmes permettent aux images de prévoir l’avenir.

Parce qu’elles désarticulent le réel, les images nous offrent un autre temps.

L’image c’est la traversée possible de tous les écrans de matière.

On n’est pas à l’extérieur des choses, on est dans l’image même.

Recouvrant la nature, l’image impose une vision séduisante, en réalité inconfortable.

L’image est une extraction de soi, passant par la traduction de la matière.

Rien n’est sans les images, comme rien n’est sans les histoires.

L’image vraie c’est notre propre mensonge optique.

L’image est une suspension de l’issue.

On n’aime pas croiser la dernière image.

Notre exposition à la violence de l’image a été librement consentie.

L’image est porteuse d’autre chose que son image.

L’image est ailleurs que dans la première vue qu’elle impose.

L’image ne change rien.

Tout voir et tout avoir, c’est l’image.

Chaque image est une allégorie de la folie.

Dans l’image tout est affaire de détail et de perspective.

L’image est une déflagration de la pensée sur les idées reçues.

L’image est tout, donc l’image est Dieu.

Les images cherchent à rendre universelle l’information mondiale.

L’image rend crédible toutes les fables.

L’image a plus de nuances que les mots.

Malgré son aspect figuratif, l’image est la projection abstraite de la pensée.

L’image nous dit plus que c’est ça.

L’image correspond à une société en adoration devant l’idée de croissance.

L’image bâtit un manque sur la part invisible de son hors-champ.

Les images troubles sont celles de la vue perçante.

L’image c’est le feuilleton des aventures du nerf optique.

L’image est l’incarnation d’une peau dont les signes touchent la nôtre.

On a plus de plaisirs à caresser des images tactiles interconnectées.

L’image ne peut être fixée, car elle joue sur les mots.

On a déjà vu toute image.

Chaque image est celle d’un geste interfacé.

L’image est une réalité, dont le cadre invente un nouveau réel.

On parle aux images comme à des choses bien vivantes.

L’image parlante tient ce double langage de ce qui est lisible et de ce que j’en dis.

Quelle qu’elle soit, l’image est vraie.

L’image est l’empreinte de nos données quotidiennes.

L’image est une déflagration du regard sur l’ordre du monde.

L’image retouchée ne triche pas.

L’image me baigne de sa propre lumière.

L’image peut faire de l’ombre sur la connaissance.

La coïncidence entre l’image et le réel est frappante.

L’image se tient entre les images.

L’image est une science de l’optique tactile ; ce que j’y vois me touche.

On laisse une part de soi dans les images.

Chaque image est un désir fécond hors norme.

Parce qu’elle désarticule le réel, l’image ne subit plus l’apesanteur.

Les images forment des repères de normalisation et d’idéalisation des corps.

Petit à petit les choses sont recouvertes par leurs images, même les images.

L’image de choc se convertit en acte de vie.

L’image nous crée un passé que nous ignorions.

L’image est le théâtre de tous les langages.

L’image ne nous montre jamais ce qu’il se passe réellement.

Plusieurs mondes et plusieurs temps sont possibles dans la même image.

Le passage de l’image à la dématérialisation renforce son état spectral.

L’image est un moyen de faire advenir son propre réel.

Malgré les apparences l’image est toujours pleine d’interdits.

Il n’y rien derrière l’image, pourtant tout s’y tient.

L’image est un moyen de provocation indispensable à la réflexion.

L’image est une vérité, dont on préfère oublier qu’elle n’est qu’une illusion.

On focalise plus sur l’image.

Le miroir c’est la défaite de l’image.

Les images ont des horizons qui permettent de voir plus loin.

L’image masque la mort.

La mise en réseau numérique des images tente d’accomplir leur rêve de partage.

Le premier effet de l’image est toujours dans le corps.

L’image ne peut être absolument comprise.

Le reflet du goût se tient dans l’image.

L’image interroge les frontières entre continuité et discontinuité.

extraits de Où est l’image vraie?, Hommage à Roland Barthes en cent aphorismes et cent cartes postales, 2015